Les migrations, la libre circulation des personnes




Explosion du nombre de migrants en 2014

 Le nombre de migrants traversant la Méditerranée depuis les côtes libyennes jusqu'à l'Italie a explosé au premier se mestre 2014, a indiqué, mardi 12 août, l'agence européenne pour la gestion des frontières Frontex. Celle-ci a comptabilisé 78 300 migrants de janvier à juillet contre 12 915 en 2013. - (AFP.)
 

De plus en plus importants, les mouvements internationaux de population ne se résument pas à des transferts des pays pauvres vers les pays riches. Les trajectoires, les motifs et les effets de ces migrations sont complexes et multiples.
Des trajectoires variées
A l’heure de la mondialisation, les migrations internationales ne sauraient se résumer à des mouvements de populations fuyant une vie difficile dans des pays pauvres pour rejoindre des contrées occidentales riches de bienfaits économiques. D’une part, toutes les régions du monde sont aujourd’hui concernées par ces flux, comme zone de départ, d’accueil ou de transit, parfois l’une et l’autre à la fois.



En 2005, l’Europe est le premier continent d’accueil de migrants internationaux (34 %), suivie par l’Asie (28 %), l’Amérique du Nord (23 %), l’Afrique (9 %) et enfin l’Amérique latine-Caraïbes (4 %). D’autre part, les raisons de migrer se complexifient : elles sont économiques, politiques, climatiques, familiales, ethniques, religieuses, personnelles, etc.
Les migrations concernent aujourd’hui près de 200 millions de personnes (75 millions en 1965), l’essentiel de ces déplacements se faisant au sein des deux hémisphères Nord et Sud. Selon le rapport sur le développement humain publié par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en 2009, seul un migrant sur trois aurait en effet quitté un pays en développement pour un pays développé. Et si plus de trois quarts des déplacements internationaux visent une installation dans un pays dont le niveau de développement social et économique est supérieur à celui du pays d’origine, la moitié des migrants originaires d’un pays pauvre s’installe dans un autre pays pauvre. Rappelons enfin que 7 % des migrants (14 millions de personnes) sont des réfugiés internationaux fuyant des zones de conflit, subissant ainsi une migration forcée.
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Un essor des mouvements Sud-Sud
Plusieurs facteurs ont récemment contribué à augmenter les mouvements de population au sein de l’hémisphère Sud. Ce dernier est en particulier le premier affecté par une nouvelle catégorie de migrants : les réfugiés environnementaux. Fonte des glaciers, désertification, montée des eaux, cyclones, inondations…, tous ces phénomènes, multipliés sous l’effet du réchauffement climatique, menacent en priorité les pays du Sud, plus vulnérables. Au Bangladesh, par exemple, qui subit la montée des eaux, les possibilités de redéploiement de la population sur le reste du territoire sont limitées. D’ici 2050, ce pourrait être de 200 millions à 1 milliard de réfugiés environnementaux qui pourraient être contraints de migrer. A l’image des 17 millions de déplacés internes à l’Afrique subsaharienne qui, outre les catastrophes climatiques, fuient également les drames économiques et sanitaires, ou encore les conflits.



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Le diplôme, sésame du migrant
Contrairement à ce que l’on imagine souvent, ce ne sont pas les personnes les plus pauvres qui entreprennent de migrer. Car, comme le rappelle la politiste Catherine Wihtol de Wenden, « pour partir, il faut de l’information, des réseaux, un pécule  ». Des frontières ouvertes peuvent également aider. Au sein des pays riches, si ouverture il y a, c’est le plus souvent au profit d’une élite très qualifiée de migrants, devenue la cible privilégiée des politiques d’« immigration choisie ». Ce type de politiques s’est généralisé en Europe ces cinq dernières années, autour de dispositifs aussi divers que la « Green Card » allemande (2005), la carte française « Compétences et talents » (2006) ou encore de la « Carte bleue européenne » (2007). Dans un contexte de révolution technologique, l’exode des cerveaux (brain drain) a concerné en 2000 plus d’un quart des migrations internationales, soit près de 59 millions de personnes, une augmentation de près d’un tiers en dix ans. Il bénéficie surtout aux Etats-Unis, à l’Australie et au Canada. La migration de ces diplômés du supérieur vers des régions plus attractives en matière de perspectives professionnelles et personnelles se fait majoritairement au départ de pays de l’Est (Ukraine, Russie, Europe centrale et orientale) et du Sud (Maghreb, Proche et Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, Inde, Chine, Corée du Sud, Amérique latine). Les professionnels de la santé occupent une part non négligeable de cette « diaspora de la connaissance » au sein des pays riches et vieillissants. Des médecins indiens au Royaume-Uni aux infirmières philippines en Italie, l’Asie offre la plus grande manne d’expatriés hautement qualifiés. Mais c’est l’Afrique subsaharienne qui en souffre le plus : dans cette région du monde, où les diplômés ne représentent que 4 % de la population active, 31 % d’entre eux émigrent. D’où parfois, localement, de véritables catastrophes économiques et sanitaires. Comme au Malawi, où deux tiers des postes du secteur public liés à la santé sont restés vacants en 2004.

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Quel impact économique ?
L’exode des forces vives du pays peut paraître en partie compensé par les transferts de fonds des migrants vers les régions d’origine. Mais qu’en est-il vraiment ? Ces transferts ont été estimés jusqu’à 308 milliards de dollars en 2008, soit le triple de l’aide publique internationale au développement. Des sommes considérables qui peuvent atteindre jusqu’à 45 % du PIB national (en Moldavie), et qui ont parfois permis à des communautés entières affectées par des guerres de survivre, comme en Guinée-Bissau ou en Bosnie-Herzégovine. Ces flux financiers ont parfois une utilité en matière de développement local. Au Guatemala, ils se sont traduits par une hausse de moitié des dépenses d’éducation. Au Maroc, l’engagement collectif de migrants installés en France a permis l’électrification complète des foyers de la vallée du Massa en 1997 . Mais l’impact de ces transferts sur la croissance à long terme des pays bénéficiaires s’avère généralement faible. Aux Philippines, par exemple, les considérables sommes perçues ont surtout bénéficié à la consommation – et en premier lieu au secteur immobilier – et n’ont pas été investies dans des secteurs créateurs d’emploi.



Souvent redouté (baisse des salaires, chômage…), l’impact des migrations sur les pays de destination s’avère quant à lui difficile à évaluer, car elles ont des effets souvent indirects et échelonnés dans le temps. Mais nombre de travaux font d’une augmentation du solde migratoire le vecteur d’un nouveau dynamisme économique. Dans une récente publication du Pnud, les économistes Francesc Ortega et Giovanni Peri affirment qu’à moyen terme la croissance démographique liée à l’immigration augmente, selon la même proportion, le PIB par habitant. Concernant l’emploi, rien ne démontre selon eux l’existence d’un effet d’éviction du marché du travail sur les autochtones. Selon ces chercheurs, l’immigration peut en revanche avoir un impact négatif (jusqu’à - 9 %) sur les revenus de certaines catégories de travailleurs peu qualifiés. Mais son effet est faible, voire nul, sur le salaire moyen de la population locale. Pourtant, les opinions communes sur les effets économiques de l’immigration – aussi infondées soient-elles – influencent fortement les politiques aujourd’hui adoptées par nombre de gouvernements.



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Des démocraties « emmurées » ?
Lampedusa un drame qui rappelle que vingt ans après la chute du mur de Berlin jamais le monde n’a autant érigé de barrières infranchissables. Soucieux de se préserver des risques supposés de la migration, les pays riches ont érigé des milliers de kilomètres de béton et de barbelés : entre les Etats-Unis et le Mexique, l’Union européenne et l’Afrique du Nord, Israël et la Cisjordanie, la Chine et la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite et le Yémen, l’Inde et le Pakistan. De nouvelles pratiques émergent : les pays riches tendent à externaliser le contrôle de leurs frontières chez leurs voisins du Sud – Mexique, Turquie, Maroc, Libye, Tunisie… – en échange d’aides au développement fortement incitatives. Il existe ainsi aux portes de l’Europe plus de 200 centres de rétention, d’hébergement et zones d’attente dont les murs enferment les candidats à l’immigration. 
Juin 2011: scienceshumaines.com 



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