Noëlle Lenoir déontologue à l'Assemblée nationale
éthique des politiques




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Entretien avec Noëlle Lenoir qui est la déontologue de l'Assemblée nationale depuis octobre 2012.

La déontologue n’a pas de pouvoir d’investigation mais devra peu à peu faire changer les habitudes. «C’est un travail dans la durée, pas dans l’émotion», souligne-t-on à la présidence de l’Assemblée. Tout cela se fait dans la plus stricte confidentialité. Sauf pour les cas litigieux, qui doivent être transmis au bureau de l’Assemblée.

Mais la déontologue situe plutôt son action «en amont». Les élus peuvent demander son avis sur certaines sollicitations : voyages à l’étranger, cravate Hermès reçue en cadeau, demandes de parrainage pour un colloque payé par une entreprise privée… Certains trouvent que la fonction relève du «gadget», ou qu’elle est «trop contraignante», admet-elle. Mais il y a des signes encourageants, comme cette déclaration d’intérêts que la quasi-totalité des députés a remplie sans s’offusquer.

Noëlle Lenoir doit aussi réfléchir aux «conditions d’utilisation de l’IRFM», l’enveloppe forfaitaire destinée à couvrir les frais afférents à l’exercice du mandat. Depuis mars, elle est en outre chargée d’un travail sur le lobbying (sensibilisation des élus) et sur l’élaboration de règles destinées aux collaborateurs et fonctionnaires parlementaires.



En réaction à l'affaire Cahuzac, François Hollande a fait des annonces allant dans le sens d'une moralisation de la vie publique. En tant que déontologue de l'Assemblée nationale, quelles sont les "armes" dont vous disposez déjà ?
Ma mission de surveillance éthique est assez neuve. Depuis ma nomination en octobre 2012, je contrôle tout ce qui touche aux conflits d'intérêts, aux voyages à l'étranger ou encore aux cadeaux et aux dons de plus de 150€ reçus par les 577 députés. 



Sur instruction du Bureau de l'Assemblée nationale, je leur ai envoyé un formulaire où ils ont notamment déclaré, s'il y a lieu, tout intérêt dans une entreprise, leurs activités privées (dans les cinq ans précédant le mandat) ainsi que celles de leurs proches. Leur conjoint travaille-t-il dans une société de conseil, par exemple? Ils doivent l'indiquer. Et en cas d'imprécision, je leur demande des compléments. S'il y avait manquement, le dossier serait transféré au Bureau de l'Assemblée nationale à qui il appartiendrait, après respect bien sûr d'une procédure contradictoire, de décider de la sanction éventuelle, comme le fait de rendre public ce manquement, par exemple.

Mais les obligations que vous détaillez sont purement déclaratives... Est-ce suffisant, alors que l'on a vu un ministre mentir, pendant quatre mois, aux institutions françaises?
Ce que vient de se passer est inexcusable, inacceptable, mais vous aurez toujours des fraudeurs... On n'est pas dans un régime policier ou une dictature. Je ne suis pas juge d'instruction, je ne suis pas chargée de faire des enquêtes! Quand vous déclarez vos impôts, vous ne subissez pas automatiquement une perquisition fiscale, si? Attention à ne pas passer d'un extrême à l'autre. Les parlementaires doivent être exemplaires, respecter les règles qui s'imposent à tous, et rendre des comptes mais on ne peut pas fonctionner dans la défiance généralisée. 



Faut-il aller plus loin ? Passer par exemple par un projet de loi sur les conflits d'intérêts, comme François Hollande l'a annoncé ?
La question posée est celle de savoir s'il faut et comment légiférer. Faut-il passer de textes qui relèvent de la discipline interne à l'Assemblée nationale à la loi organique? On est en train d'intégrer une nouvelle culture, de chercher à mieux concilier démocratie d'opinion et démocratie représentative. C'est positif et indispensable. Tout ce qui peut éviter la corruption, mais aussi sécuriser les parlementaires qui sont souvent injustement exposés et critiqués, est bon. Cela contribue à réconcilier les citoyens avec les responsables politiques car la plupart méritent notre confiance. Ce n'est pas une fonction facile. 

Les parlementaires doivent être exemplaires mais on ne peut pas fonctionner dans la défiance généralisée

Mais il faut veiller à ne pas alimenter les doutes sur la crédibilité des élites et le refrain du "tous pourris" qui nourrit les populismes. Les gens souffrent de la crise, c'est naturel qu'ils se montrent plus exigeants. Si une loi vient imposer encore davantage de contraintes à celles qui s'imposent déjà aux parlementaires, il faudra donc montrer la même détermination pour sanctionner durement les manquements. 



Et sur la publication des patrimoines, dont on parle depuis des années ?
J'ai déclaré mon patrimoine en devenant ministre. J'ai déclaré mon patrimoine en quittant mon ministère. Cette déclaration existe, mais faut-il la rendre publique ? C'est un choix politique. Mais alors il faudrait que la mentalité des Français et leur rapport à l'argent changent. Sinon ce que les ministres et les parlementaires possèdent leur semblera toujours excessif. Or posséder un patrimoine ne rend pas indigne d'exercer une fonction publique, en soi.

Trouvez-vous que la France soit en retard, en matière d'éthique des politiques ?
Pour l'heure, seuls le Canada, le Québec et le Royaume-Uni ont, à ma connaissance, un déontologue: dans d'autres pays, il s'agit de commission de parlementaires, comme au Parlement européen aux Etats-Unis par exemple. L'influence de la culture des pays du Nord se fait sentir en France qui, à mon sens, n'est pas si en retard qu'on veut bien le dire. Je vais prochainement contacter mes homologues dans le monde (déontologues et Présidents de Commission d'éthique parlementaire) pour créer un réseau d'échange de bonnes pratiques. 
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